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Pourquoi la société française génère-t-elle de telles émeutes urbaines ? Communiqué du Pacte Civique
 

 Pourquoi la société française

génère-t-elle de telles émeutes urbaines ?

 

Le temps de l'émotion suscitée par la mort de Nahel, jeune de 17 ans, tué par un policier qui, dans les circonstances d'un contrôle routier, a été mis en examen pour homicide volontaire, n'est pas encore passé. Nous sommes dans la sidération et dans une profonde tristesse.

Et pourtant, il faut comprendre pourquoi un tel drame embrase, de façon inédite par son ampleur et son degré inouï de violence, non dépourvue d'aspects à la fois ludiques et mortifères, les espaces urbains habités ou fréquentés par les jeunes des quartiers. Le phénomène a une diffusion virale et touche beaucoup de communes dans toute la France.

Pourquoi ces attaques non seulement envers les bâtiments représentatifs des institutions ou d'organismes publics mais aussi les équipements de proximité, écoles, bibliothèques, centres sociaux, moyens de transports du quotidien… ?

Le Pacte civique pourrait, après la sidération liée aux événements, connaître un certain découragement. Pourtant, fidèle à sa vision d'une construction collective de l'avenir, impliquant la société civile, le monde politique et croyant à la force des dynamiques citoyennes, il ne baisse pas les bras, refuse de céder à la peur et cherche à comprendre les raisons de ce chaos pour repartir, en évitant des impasses et fausses pistes.

A chaud, et en premier lieu, il ne peut pas esquiver la question des relations de défiance et de violence entre la police et les habitants des quartiers populaires, notamment de ses plus jeunes habitants. Pourquoi en France, plus que partout ailleurs en Europe, existe-t-il de telles relations empreintes de méfiance réciproque, de mépris, voire d'attitudes et de propos à connotation raciste.

Deuxième remarque, on peut craindre que les images de violence et de pillage soient utilisées politiquement pour nourrir un discours et un regard sur les émeutiers. Jusqu'à faire oublier le problème initial des rapports entre les jeunes des quartiers et la police (on se rappelle notamment l'affaire Théo et l'utilisation de la matraque télescopique), avec le risque de basculer sur un discours stigmatisant « la racaille » pour faire oublier les causes profondes.

Et c'est le troisième point ; il faut évidemment revenir aux causes profondes que le Pacte civique pointe depuis des années, assorties de propositions réalistes :

  • une politique de cohésion sociale qui donne effectivement les moyens en faveur d'une politique de la ville digne de ce nom,   qui traite les questions de discriminations sociales et territoriales. Certes des dotations importantes ont été engagées ces dernières années, mais le retard est tellement gigantesque !  Le refus d'engager le plan Borloo a découragé beaucoup d'élus qui s'étaient engagés dans cette vaste mobilisation prometteuse. Les banlieues ont besoin d'un récit mobilisateur ;
  • des relations de confiance et d'aide aux réseaux associatifs d'écoute des citoyens, afin de contribuer à favoriser le lien et notamment aider les parents qui n'y arrivent plus avec leurs jeunes, en particulier dans les foyers monoparentaux ;
  • un récit partagé, y compris au plus haut niveau, reconnaissant l'apport des immigrés et de leur culture, ainsi que leur contribution indéniable aux performances économiques, sportives et à la créativité culturelle.
  • la restauration de services publics qui ont déserté de trop nombreux territoires urbains ;   
  • la réhabilitation des quartiers grâce à des politiques ciblées d'emploi et de logement, pour que ceux qui réussissent leur insertion dans ces quartiers y restent au lieu de n'avoir de cesse de les quitter, accélérant leur appauvrissement et leur ghettoïsation ;
  • s'attaquer effectivement aux méfaits de l'économie souterraine dans le cadre d'un plan national et européen en « frappant au portefeuille » les trafiquants ;
  • repenser une police de proximité accompagnée d'un plan ambitieux de formation de la police : déontologie, respect de la diversité, redéfinition de l'emploi des armes.
  • Et, enfin et surtout, écouter les difficultés de ceux qui accompagnent parents et enfants dans leur vie quotidienne, trop souvent mal considérés et payés.

 

Depuis 30 ans, on assiste à l'émergence d'une France divisée, fracturée, pessimiste, prête à se donner aux démagogues qui avancent des solutions simplistes alors que les solutions sont complexes et coûteuses en moyens financiers mais aussi en moyens humains.

Les émeutes traduisent fondamentalement ce ressenti et cette réalité d'injustice sociale accrue qui devient insupportable avec partout des étalages de richesse inaccessibles.

L'aveuglement se paye toujours… avec des effets différés mais de plus en plus rapprochés et de plus en plus lourds. La répartition équitable des ressources et des charges est d'autant plus nécessaire que d'autres défis nous attendent au regard de la crise climatique qui, elle aussi, réclame des solutions qui font appel à la solidarité et à la justice sociale.

 

Face à cette situation inextricable aux causes multiples, une réponse sociale, éducative et sécuritaire est nécessaire. En préalable, le Pacte civique souhaite avancer une proposition : engager un vaste processus d'écoute de la parole des populations des banlieues.

Il doit concerner, bien sûr, des universitaires, mais aussi tous ceux qui cherchent à accompagner les jeunes et les moins jeunes dans leurs difficultés : maires et conseillers municipaux, enseignants des banlieues, travailleurs sociaux, éducateurs, animateurs sportifs et culturels... et enfin, évidemment, les enfants révoltés (dont la parole ne sera pas facile à recueillir), leurs parents, leurs grands frères et grandes sœurs…

Pour que ce processus ne soit pas enterré dans quelques mois et débouche sur des mesures concrètes, il convient de lui donner ampleur et solennité, porté par un discours ambitieux. Il doit être lancé au plus haut niveau de l'État, comporter une vaste palette méthodologique et être accompagné et garanti par la CNDP[1].

Les progrès accomplis ces dernières années en matière d'innovations démocratiques[2] doivent être mis à profit pour traiter en profondeur cette question difficile qui handicape et menace notre démocratie.

 

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[1] Commission nationale du débat public.

[2] Cf. la convention citoyenne sur la fin de vie.

 

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